De récentes recherches démontrent que nous pouvons sensiblement améliorer la qualité de notre vie en cultivant l’habitude de l’empathie. Mais qu’est-ce donc l’empathie ? C’est la capacité à se mettre dans les chaussures d’une autre personne, avec pour objectif de mieux comprendre ses peurs et ressentis, et ainsi mieux définir nos propres actions. C’est ce qui fait la différence avec la gentillesse ou la pitié. Comme George Bernard Shaw l’a souligné, « Ne faites pas aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent — ils pourraient avoir des goûts différents. » L’empathie, c’est découvrir ces goûts. Des biologistes évolutionnaires comme Frans de Waal ont montré que nous sommes des animaux sociaux, mais l’empathie ne cesse de se développer dès l’enfance. Nous pouvons favoriser sa croissance tout au long de notre vie et nous pouvons l’utiliser comme une force radicale de transformation sociale. Voici les 6 habitudes des personnes très empathiques (PTE) :
Habitude 1 : Cultiver la curiosité pour les étrangers. La curiosité élargit notre empathie quand nous parlons à des gens en dehors de notre cercle social habituel, rencontrant des vies et des visions du monde très différentes des nôtres. Cultiver la curiosité exige plus qu’une brève discussion sur la météo. Plus important encore, le PTE essaie de comprendre le monde à l’intérieur de la tête de l’autre. Nous sommes confrontés chaque jour à des étrangers. Mettez-vous au défi d’avoir une conversation avec un étranger chaque semaine. Tout ce qu’il faut, c’est du courage.
Habitude 2 : Défier les préjugés et découvrir les points communs. Nous avons tous des hypothèses sur les autres et nous utilisons des étiquettes collectives qui nous empêchent d’apprécier leur individualité. Les PTE remettent en question leurs propres idées préconçues et préjugés en cherchant ce qu’ils partagent avec les gens plutôt que ce qui les divise.
Habitude 3 : Essayez la vie d’une autre personne. Vous pensez que l’escalade et le deltaplane sont des sports extrêmes ? Alors, essayez l’empathie expérientielle, la plus difficile — et potentiellement gratifiante — de toutes. Les PTE développent leur empathie en acquérant une expérience directe de la vie d’autres personnes, mettant en pratique le proverbe amérindien, « Marchez un mile dans les mocassins d’un autre homme avant de le critiquer ». Nous pouvons chacun mener nos propres expériences. Empruntez la voie favorisée par le philosophe John Dewey, qui a dit : « Toute éducation authentique est le fruit de l’expérience. »
Habitude 4 : Écoutez attentivement et ouvrez-vous. Il faut deux traits pour être un conversant empathique. Le premier est de maîtriser l’art de l’écoute radicale. « Ce qui est essentiel, dit le psychologue Marshall Rosenberg, c’est notre capacité d’être présent à ce qui se passe vraiment en nous, aux sentiments uniques et aux besoins que ressent une personne à ce moment précis. » Les PTE écoutent attentivement les autres et font tout ce qu’ils peuvent pour comprendre leur état émotionnel et leurs besoins, qu’il s’agisse d’un ami qui vient d’être diagnostiqué d’un cancer ou d’un conjoint qui est fâché parce qu’il travaille encore tard. Mais l’écoute n’est jamais suffisante. Le deuxième trait de caractère est de nous rendre vulnérables. Enlever nos masques et révéler nos sentiments à quelqu’un est essentiel pour créer un lien empathique fort. L’empathie est une voie à double sens qui, à son meilleur, est fondée sur la compréhension mutuelle — un échange de nos croyances et de nos expériences les plus importantes.
Habitude 5 : Inspirer l’action de masse et le changement social. Les PTE comprennent que l’empathie peut aussi être un phénomène de masse qui entraîne un changement social fondamental. Il suffit de penser à la réaction du public au dévouement du personnel hospitalier face à l’épidémie de Covid-19. L’empathie fleurira probablement à l’échelle collective si ses graines sont plantées chez nos enfants. Au-delà de l’éducation, le grand défi est de comprendre comment la technologie des réseaux sociaux peut exploiter le pouvoir de l’empathie pour créer une action politique de masse. Twitter peut-il nous convaincre de nous soucier profondément de la souffrance des étrangers, voire des générations futures qui porteront le poids de notre mode de vie accro au carbone. Cela ne se produira que si les réseaux sociaux apprennent à diffuser non seulement l’information, mais la connexion empathique.
Habitude 6 : Développer une imagination ambitieuse. Nous avons tendance à croire que l’empathie devrait être réservée à ceux qui vivent dans les marges sociales ou qui souffrent. Les PTE ont aussi de l’empathie pour les gens dont les croyances ne sont pas les mêmes ou qui peuvent être des « ennemis » d’une façon ou d’une autre. Si vous faites campagne sur le réchauffement climatique, il vaut peut-être la peine d’essayer de vous mettre à la place des dirigeants des sociétés pétrolières, de comprendre leurs idées et leurs motivations, si vous voulez élaborer des stratégies efficaces pour les orienter vers le développement des énergies renouvelables. L’empathie envers les adversaires est aussi une voie vers la tolérance sociale. C’est ce que pensait Gandhi pendant les conflits entre musulmans et hindous qui ont mené à l’indépendance de l’Inde en 1947, lorsqu’il a déclaré : « Je suis musulman ! Et un hindou, un chrétien et un juif ». Les organisations aussi devraient être ambitieuses par leur pensée empathique. Bill Drayton, le célèbre « père de l’entrepreneuriat social », croit que dans une ère de changement technologique rapide, la maîtrise de l’empathie est la clé de la survie des entreprises parce qu’elle soutient le travail d’équipe et le leadership. Son influente Fondation Ashoka a lancé l’initiative Start Empathy, qui présente ses idées aux chefs d’entreprise, aux politiciens et aux éducateurs du monde entier.
(par Roman Krznaric)